70 Plaques.

Exposition de 69 plaques photographiques au Gélatino-Bromure d’argent entre 1889 et 1928 par le photographe belge Tiffon rééditées.
Musique conseillée : Telegraph Road – Dire Straits 

15 décembre 2016. 15h56 :

« Plaques photo trouvées au Lys à Lamorlaye, ça te dit? »

Suite au message, je monte dans le premier avion pour Paris afin de récupérer ledit lot. Tout au long du voyage, le mystère plane sur l’origine, le contexte, et l’état de ces plaques dont le hasardeux propriétaire était dépourvu de la moindre information.

Ces plaques abandonnées et sur le point d’être jetées étaient à l’origine dans une pièce dépourvue de fenêtre, dans un entre sol d’une vieille demeure. D’ailleurs, le découvreur de ce lot n’est autre que le marchand de bien qui s’apprête à détruire cette partie de l’édifice. Le supposé laboratoire était orné, outre les plaques, de mystérieuses roues ayant pour but, sûrement, de créer des poulies laissant supposer un illustre agrandisseur permettant de développer les plaques.

Arrivée à Paris.

Je retirai délicatement du sac de supermarché et vis 4 boites ; 3 en papier-carton, 1 en fer. Sur ces dernières sont inscrites des indications dont je me soucierai plus tard. Je sors ces plaques en tas des boites sûrement centenaires, et commençai à les inspecter à la lumière tamisée émise depuis la lampe du bureau, tout en regardant les détails et défauts de ces couches images qui ont durement traversé les temps. M’improvisant archiviste, je me muni d’un stylo et de feuilles me permettant alors de juger chaque plaque à la lumière :

« Paysages Urbain, émulsion correcte, format 9x12cm »

J’adopte ainsi cette nomenclature pour toutes les plaques.

Afin de connaître le nombre de plaques je recompte mes feuilles : 70 plaques

Le lot initial était estimé à une trentaine de plaques et le mystère demeure sur l’époque, le contexte et l’auteur de ces plaques.

Alors commence une longue et intéressante analyse…

Afin de me faire une idée des clichés en positif, j’eu l’idée d’inverser les couleurs de mon smartphone tout en utilisant la fonction appareil photo afin d’avoir une vision en positive des émulsions en direct. Le résultat est satisfaisant, me permettant alors, de voir les détails et paysages fournies par les émulsions.

Je me tourne à présent non vers le contenu mais vers le contenant : les 4 boites. 3 boites en carton d’époque dont 2 grandes vertes liées par un papier les scellant entre elles ayant comme origine :

« Union photographique industrielle »

C’est dans ces mêmes boîtes qu’étaient vendues les plaques 9x12cm dites au « Gélatino-Bromure d’argent » (procédé photographique tout à fait novateur pour l’époque) prêtes à être exposées. La 3ème boîte, accueillant de plus petites plaques (9×61/2) elle, était de la fameuse industrie des frères Lumière.

L’affaire en est restée là pendant plusieurs jours.

Quelques jours plus tard, je reprends les investigations. J’analyse les boîtes. Les 2 grandes vertes disposent chacune d’un bandeau marqué : 

« GRAND PRIX ST LOUIS 1904 »

Me voilà fixé, ces boîtes datent d’au moins 1904. Puis ensuite, je m’attarde sur le contenant de ces dernières. Une multitude de plaques empilées et soigneusement séparées par du papier d’époque. Parmi ces papiers d’une des deux boîtes, se trouve un fragment d’enveloppe oblitérée de 1928 en provenance de Paris. Ainsi la première des déductions se met en place ;

Les 2 grandes boîtes contiennent des plaques exposées entre 1904 et 1928. Je base cette supputation sur le fait que le photographe ai archivé ces boîtes de telle sorte que ces 2 dernières sont liées dans leur temporalité (comme quand on écoule 2 pellicules dans un laps de temps court, on réunis les films afin d’en faire apparaitre qu’un seul et unique paquet puisque ces dernières ont été exposées pour le même dessein.)

Je poursuis la recherche et je me tourne vers la boîte de manufacture Lumière. Celle-ci dispose également d’un bandeau marqué :

« GRAND PRIX EXPOSITION UNIVERSELLE PARIS 1889 »

Même chose que les autres boîtes, nous pouvons établir un point de départ cette fois-ci à 1889. Je me dirige cette foi-ci vers Internet afin de trouver des photos de cette même boîte. A ma grande surprise celle-ci est incomplète. Simple déduction de temporalité, celles trouvées sur les réseaux ont 2 bandeaux ; celui de 1889 et un autre de St Louis en 1904 (visiblement une grosse compétition entre les manufactures de plaques photo à l’époque). 

Ainsi, ce simple atout marketing de l’époque nous permet à nouveau de donner une tranche d’âge à ce lot ; Les plaques ont été exposées entre 1889 et 1904.

La Boîte métallique permettra d’avoir le nom du photographe et une photo positive mise sous verre, sûrement du photographe.

Jusqu’alors j’ai pu analyser le lot et determiner une tranche d’âge sans pour autant me référer à ce qu’il y avait sur les plaques elles mêmes. Je me contentais alors de ma première analyse bâclée et rapide de Paris où je différenciais entre paysages et portraits à la vague lumière de la lampe de bureau.

Je suis désormais en capacité de pouvoir analyser les lieux et personnages capturés sur la période 1889-1928.

Les premières plaques issues de la première des 2 grandes boites sont des portraits. Des enfants, des familles, des personnes de la haute société, il y a de tout, sans pour autant voir des repères historiques marquants (ne serait ce qu’en arrière plan).

Je passe à la 2ème série déjà plus intéressante avec parfois des scènes de rues.

La première photo ressemble à un monument au mort avec des militaires devant et un drapeau tricolore au sommet. Hélas, je suis dans l’incapacité d’identifier le drapeau, compte tenu de l’absence de couleurs.

Ca peut être le drapeau français, comme le drapeau belge, le drapeau Italien, et j’en passe. Je passe à une 2ème plaque : une scène de rue dans une ville ! A l’aide d’une loupe je peux voir la devanture d’un hôtel :

« Hotel Royal Belge »

Le drapeau visible sur les 2 plaques est sûrement celui de la Belgique. De plus, l’architecture des bâtiments visibles ressemble à celle de Belgique, sans pour autant savoir où ont été prises les photos.

(EDIT 31/11/2017) : Après recherche sur internet en cherchant « hotel Royal Belge – 1900 » je tombe sur une carte postale d’époque sous-titrée « Ostende – La Digue vers l’Estacade » avec la même vue que celle publiée en dessous (première photo). Il s’agit donc d’une Illustre station balnéaire wallone. Pour les autres lieux, l’enquête est toujours en cours…

Au passage, il est important de noter que j’ai tenté d’en numériser afin de pouvoir les classer numériquement, mais le résultat est plus que médiocre ne laissant pas apparaître l’image. Je suis alors condamné pour l’instant à les analyser à l’oeil.

Les agrandisseurs standards ne pouvant pas agrandir au delà du 6x9cm, je suis obligé d’en construire un sur-mesure pour les besoins de l’exposition. C’est en bois que je commence à le construire, à l’aide de plaintes récupérées dans un surplus d’un chantier du nord parisien.

Ayant en ma possession une optique El Nikkor de 150mm, il m’est tout à fait possible d’agrandir ces plaques aux dimensions illustres.

En attendant l’aboutissement de l’agrandisseur, il est toutefois possible de les développer sur papier en posant la face émulsion de la plaque sur un papier photo le tout dans un milieu inactinique et projeter la lumière blanche dessus.

Grâce aux contenants de ces boîtes, j’ai pu determiner une tranche d’âge plus restreinte entre 1889 à 1904 pour le premier lot et de 1904 à 1928 pour le second. Ces derniers m’ont permis également de déterminer le nom du photographe : Mr Tiffon, sans aucune autre information à son sujet. Il ne reste plus qu’à faire des recherches sur ce dernier, espérant, grâce au positif de lui retrouvé, trouver une trace dans des archives quelconques.